“La science économique en crise doit imiter la médecine.” Réflexions sur Romer, Cahuc, et Zylberberg

La semaine dernière, Pierre Cahuc et André Zylberberg ont jeté un pavé dans la mare (certains diraient dans la gueule) des économistes français en publiant un pamphlet dans lequel ils accusent une bonne partie de leurs collègues de négationnisme scientifique. Cette semaine, Paul Romer, nouvellement nommé économiste en chef de la Banque Mondiale, fait de même avec les macroéconomistes américains. Certes, ces deux J’accuse diffèrent substantiellement en terme d’objectif, d’auditoire, de cible et de fondements épistémologiques. Mais leurs similitudes sont tout aussi frappantes, en particulier leur volonté de défendre la crédibilité de leur discipline dans un contexte de scepticisme grandissant, et ce en faisant références aux pratiques de la médicine. Et ces similitudes en disent peut-être aussi long sur les transformations internes à la discipline que sur ses relations aux politiques et au grand public.

Cahuc, Zylberberg, et l’économie expérimentale face au négationnisme

L’objectif affiché des deux économistes est de corriger la manière dont les médias et le grand public consomment l’économie. Ils s’émeuvent que des charlatans, dont les travaux ne reposent pas sur des bases épistémologiques solides, reçoivent une trop grand attention médiatique, et leur pamphlet est d’abord une tentative pour expliquer aux journalistes quels sont les économistes dont ils devraient relayer les idées. A ces derniers, Cahuc et Zylberberg proposent donc dès l’introduction un critère de sélection intellectuel :

Depuis 3 décennies […] l’économie est devenue une science expérimentale dans le sens plein du terme. […] A l’instar de la recherche médicale, l’économie s’attache à bâtir des protocoles expérimentaux permettant de connaître les causes des phénomènes observés […] Pour savoir si la dérégulation financière favorise la croissance, si le coût du travail a un effet sur l’emploi, si l’immigration crée du chômage, si les dépenses publiques relancent l’activité ou si la hausse des impôts la déprime ; et plus généralement pour toute question où l’on recherche un lien de cause à effet, l’analyse économique compare des groupes tests au sein desquels ces mesures ont été mises en œuvres, avec des groupes de contrôle où elles n’ont pas été mises en œuvre.

Cette description de la « bonne science » est complétée, dans l’ultime chapitre, par un critère institutionnel :

En science, c’est le consensus de la communauté des chercheurs, lorsqu’il existe, qui constitue la meilleure approximation de la « vérité.» Ce consensus repose sur des articles publiés dans des revues scientifiques [après] une procédure de « critique par les pairs » […] Plus une revue se trouve en haut des classements, plus la sélection des articles y est sévère, plus crédibilité de ce qui est publié est élevée.

le-negationnisme-economique-et-comment-s-en-debarrasser-par-pierre-cahuc-et-andre-zylberberg_5660135La série de chapitres qui constitue le cœur de l’ouvrage vulgarise donc une série d’article publiés dans les “meilleures revues,” dont l’objectif est de comprendre les conséquences des réformes scolaires, de la taxation, de la durée du temps de travail ou de la régulation financière. Mais l’ouvrage aborde, en pratique, peu de travaux qui collent le plus à la méthode décrite ci-dessus, celle des expérimentations par assignation aléatoire. L’un des exemples développés est le programme américain Moving to Opportunity dont les résultats montrent que relocaliser des adolescents de milieux défavorisés dans des environnements plus aisés ne favorise pas leur réussite scolaire. En fait, Cahuc et Zylberberg détaillent surtout les résultats d’expériences naturelles, où l’on utilise des évènements créant accidentellement des groupes de test et de contrôle. L’exemple canonique est l’étude dans laquelle Card et Krueger comparent l’emploi dans les fast-foods de Pennsylvanie et du New Jersey pour savoir si l’augmentation du salaire minimum (qui a lieu dans l’un des deux états seulement) affecte le taux d’emploi. Mais ils utilisent également les résultats de travaux comme ceux de Thomas Piketty, qui cherche à reconstruire des faits stylisés dans une tradition d’histoire économique, pour discuter d’une augmentation des taux marginaux d’imposition. A chaque étude citée correspond une prise de position : les auteurs émettent ainsi des doutes sur l’efficacité des règlementations financières type taxe Tobin, du CICE, ou des 35 heures. Se positionnant de manière répétée comme des économistes “de gauche,” ils affirment que parce que les résultats de l’économie mainstream ne conduit pas toujours à soutenir des politiques libérales, celle-ci est donc bien objective.

Cahuc et Zylberberg font le choix de ne jamais aborder les débats autour de certaines expérimentations quand ceux-ci existent (par exemple sur l’interprétation des résultats d’une expérimentation sur le pre-K schooling, l’équivalent de la toute petite section, dans le Tennessee). Ils n’abordent aucune des nombreuses critiques faites aux expériences aléatoires, en particulier les problèmes de validité interne (que mesure-t-on exactement, quels peuvent être les biais ?) et externe (ces résultats sont-ils généralisables ?). Aucune méthode alternative n’est évoquée, que ce soit les expériences de laboratoire, en plein boom, l’analyse des faits stylisés, pourtant présente dans le volume, l’économétrie structurelle, la microéconometrie sur données de panel, ou l’intégration balbutiante des techniques de machine learning (traitement algorithmique a-théorique d’énormes bases de données) aux pratiques des économètres. Ils choisissent également d’ignorer que les stratégies de publication des scientifiques et le classement de leurs revues puissent être eux-mêmes analysés comme des phénomènes sociaux répondant à des contraintes institutionnelles et des stratégies de pouvoir. Ils ne mentionnent pas l’existence possible de biais dans l’évaluation par les pairs supposée garante de la scientificité des travaux. Et c’est une stratégie de vulgarisation étrange. Il n’est en effet pas nécessaire d’avoir lu Angus Deaton pour se demander si les résultats d’une expérimentation menée il y a 15 ans dans un Etat américain sont transférables au système scolaire ou fiscal français. Et les journalistes français, et le public, ont bien conscience de l’augmentation considérable du nombre de scandales et de rétractations, en premier lieu dans la biologie et la médecine.

snake-oilLe cadre ainsi planté par Cahuc et Zylberberg les amène à considérer que tous ceux qui ne fondent pas leurs préconisations de politique économique sur des expérimentations pratiquent, en connaissance de cause, un négationnisme visant à enfumer le public et les décideurs pour leur profit, leur prestige ou leur pouvoir. Ces négationnistes qui accaparent la scène publique comprennent, à leurs yeux, aussi bien des PDG comme Jean-Louis Beffa que la quasi-totalité des économistes hétérodoxes français, au premier rang desquels les économistes atterrés ou ceux d’Alternative Economique. Les méthodes d’analyse de ces économistes de l’analyse Keynésienne à celle des institutions et des modes de régulation économiques, ne sont pas réellement expliquée dans l’ouvrage. Mais puisqu’elle ne peuvent pas permettre une identification robuste des causes des phénomènes économiques, elles mettent, aux yeux des auteurs, leurs défenseurs sur le même plan que ces intellectuels ayant défendu la charge de Lyssenko contre la génétique ou que ces scientifiques ayant produit des études brouillant les liens entre tabagisme et cancer pour le compte de l’industrie du tabac.

41qhgittmkl-_sx318_bo1204203200_Car c’est essentiellement sur les travaux de l’historien Robert Proctor, auteurs de deux ouvrages décrivant les pratiques du tabac, que les deux économistes s’appuient. Dans Cancer Wars, puis Golden Holocaust, ce dernier a analysé en détail le processus par lequel certaines entreprises et lobbies  “fabriquent de l’ignorance” pour leur profit personnel. Le nom qu’il a donné à l’analyse de ce phénomène  “l’agnotologie,” désigne un domaine de recherche désormais très fécond. Mais contrairement à la majorité des ces études, Cahuc et Zylberberg n’expliquent pas vraiment quel profit les hétérodoxes tirent de leur négationnisme. Ils empruntent également à Proctor sa justification de l’analogie avec l’holocauste. De la même façon que l’historien justifie son choix par le nombre de décès causés par les agissement de l’industrie du tabac (“a calamity of epic proportions  with too many willing to turn a blind eye, too many willing to let the horror unfold without intervention”) les économistes affirment ainsi “qu’à l’échelle de la planète, des politiques fondées sur des idées fausses se traduisent par des millions de chômeurs, autant de morts et l’appauvrissement de centaines de millions de personnes. ” Naomi Oreske et Erik Conway, auteurs d’une célèbre étude des lobbies climatosceptiques parue en 2010, avaient par comparaison choisi le titre Merchants of Doubt. Le choix de ce titre, et de l’analogie qu’il porte, autant que les prémisses épistémologiques des auteurs, a attiré les foudres de nombreux économistes hétérodoxes parmi lesquels l’un des chefs de l’école régulationiste, André Orléan. Ces mêmes travers ont été soulignés par un commentaire plus académique de Xavier Ragot, directeur de l’OFCE et macroéconomiste tout ce qu’il y a de plus “orthodoxe.” Olivier Bouba-Olga explique de son côté que la parfaite neutralité du chercheur, défendue par les auteurs, est une illusion.

Romer, les modèles DSGE et la pseudoscience

Si Cahuc et Zylberberg ciblent les économistes hétérodoxes, Romer attaque au contraire le cœur de la macroéconomie orthodoxe, les modèles DSGE. Son auditoire est également différent, puisqu’il s’agit de convaincre les économistes d’enterrer définitivement ces modèles. L’article est le dernier d’une série d’attaques publiées ces derniers mois, dans lesquels il expliquait que le problème de la modélisation macroéconomique dominante n’est pas l’utilisation des mathématiques en soi, mais la mathiness, une complexification factice des modèles visant à en obscurcir la lecture, afin que le lecteur ne puisse en identifier les présupposés idéologiques ajoutés sous le manteau.

            Pour identifier les causes des cycles économiques (les mouvements des prix et les variations de l’emploi), les économistes comme Lucas, Kydland et Prescott ont construit des modèles post-real aux hypothèses de plus en plus fantaisistes, explique Romer. Les cycles ne sont pas expliqués par les comportements intrinsèques des agents économiques mais par des chocs de productivité aux sources ésotériques :

 -un type général de phlogiston qui augmente la quantité de biens de consommation produits au moyen d’inputs donnés.

-un type de phlogiston investment-specific qui augmente la quantité de biens d’équipement produits par des inputs donnés

-un troll qui change les salaires payés à tous les travailleurs de manière aléatoire

-un gremlin qui change le prix des outputs de manière aléatoire

-l’Ether, qui augmente la tendance des investisseurs à prendre des risques

-une source de chaleur qui pousse les individus à vouloir moins de loisirs

Romer accuse ces macroéconomistes de vouloir rendre plus difficile encore l’identification des causes par l’ajout de ces variables exotiques. Car plus le nombre de variables d’un système d’équations multiples est important, plus le nombre de paramètres à estimer est important, et plus l’économiste doit imposer des restrictions a priori sur les caractéristiques de son modèle (les termes d’erreurs ou les élasticités, par exemple) pour que celui soir identifié. Ajouter des anticipations rationnelles au modèle augmente encore le nombre de restrictions à apporter. Et, si le modèle est assez complexe, ces restrictions a priori peuvent être formulées à l’insu de tous de manière à orienter les résultats en fonction de son idéologie :

With enough math, an author can be confident that most readers will never figure ou here a FWUTV [a priori belief] is burried. A discussant or referee canot say that an identification assumption is not credible if they cannot figure out what it is and are too embarassed to ask.

D’après Romer, la calibration, puis l’utilisation de l’approche bayésienne, rendent encore plus aisé l’insertion de restrictions a priori intraçables dans les modèles macroéconomiques. Une meilleure solution au problème de l’identification, précise-t-il, serait d’utiliser plus d’expériences naturelles, comme l’ont fait Friedman et Schwartz, puis Romer et Romer, avec les grandes crises financières et de la déflation Volcker pour comprendre l’impact de la création monétaire sur l’économie.

capture-decran-2016-09-14-a-11-20-39Romer considère au total le passage du programme Friedmanien au programme Lucasien comme une véritable “régression,” qui a transformé la macroéconomie en une  “pseudoscience,” un terme jusqu’à présent plutôt utiliser pour discuter de l’astrologie. Là ou Cahuc et Zylberberg se réfèrent à la littérature sur l’agnotologie, Romer emprunte au philosophe Mario Bunge. Celui-ci propose d’étudier un ensemble de caractéristiques clé pour chaque champ cognitif (sa communauté, son epistémologie sous-jacente, son mode de formalisation, ses méthodes etc) afin de séparer les research fields  dont la science fondamentale et appliquée, des belief fields, dont les religions, idéologies et pseudosciences. Le titre choisi par Romer pour son essai, The Trouble with Macroeconomics est d’ailleurs un clin d’œil à l’ouvrage dans lequel Lee Smolin accuse les théoriciens des cordes de mettre en danger la science physique par leurs élucubrations pseudoscientifiques.

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Sauver la science économique ? Structures sociales et analogie médicales

Les trois auteurs cherchent donc essentiellement à préserver leur discipline de la crise de crédibilité qu’elle connaît actuellement. Mais si les deux points d’ancrage offerts sont identiques – assainir les structures sociales internes de la discipline et ses fondements méthodologiques –, cette convergence cache en fait des visions très éloignées des problèmes à corriger.

Dans les deux cas, le ton est dur, les accusés explicitement pointés du doigt. Romer est très explicite sur l’aspect social de la crise que connaît la macroéconomie aujourd’hui. Il emprunte à Smolin l’idée que la pseudoscience se développe au sein d’une communauté scientifique monolithique, et que les croyances non étayées par les faits se diffusent ensuite par loyauté envers les leaders de ces approches. Cahuc et Zylberberg n’en disent pas long sur la cuisine interne de la profession, mais le dernier chapitre fournit néanmoins une des clés pour comprendre l’ouvrage. Fin 2014, le ministère de la recherche avait failli accéder à la requête des économistes de l’AFEP, qui demandaient la création d’une nouvelle section CNU pour abriter les économistes hétérodoxes (un précédent avait été la création d’une section de mathématiques appliquées aux côtés de la section de mathématique historique). La création d’une nouvelle section fut évitée de justesse par l’intervention de Jean Tirole, et les auteurs reprennent à leur compte son idée que les pluralistes chercheraient à se soustraire à l’évaluation par les pairs (mais c’est justement pour se soustraire ou jugement de ces pairs-ci qu’Orléan demande le divorce). Les enjeux de ces débats portent donc autant sur les méthodes employées que sur les processus de validations des travaux économiques, y compris leur dimension sociale. La qualité de ces débats bénéficierait de références plus systématiques aux riches analyses des structures sociales de la discipline publiées par des sociologues comme Marion Fourcade, Daniel Breslau, et, pour le cas français, Fréderic Lebaron, Olivier Godechot, ou Thomas Angeletti.

large-1464364548-336-pseudoscience-and-conspiracy-theory-are-not-victimless-crimes-against-scienceUn autre point commun entre les deux textes est la référence aux sciences médicales comme modèle de pratique scientifique. Les 3 auteurs font référence à l’expérimentation de terrain (naturelle ou contrôlée) comme la méthode la plus à même de résoudre le problème de l’identification. Mais là ou Cahuc et Zylberberg filent sans réserve la métaphore médicale, Romer utilise celle-ci pour présenter un tout autre argument. Les premiers se placent dans une mouvance, en pleine explosion, qui consiste à faire des essais cliniques le nouveau gold standard de la méthode économique. La validité épistémologique de cette analogie a d’ailleurs été contestée, par exemple par Nancy Cartwright et plus récemment par Judith Favereau (voir aussi ce texte). Mais alors que Cahuc et Zylberberg voient dans les essais cliniques une méthode pure, ou l’identification de la causalité est débarrassée des scories propres à l’histoire économique ou aux modèles structurels, Romer utilise au contraire l’analogie médicale comme un appel à mieux accepter les impuretés de la méthode économique. Il concluait ainsi une version préliminaire de son article par :

Peut-être que cette fois, les macroéconomistes devraient-ils admettre que le naufrage est si grand qu’ils devraient abandonner leur quête du modèle d’équations simultané ultime. Il serait peut-être plus sage d’adopter les méthodes désordonnées que les chercheurs en médecine ont utilisés pour faire les découvertes qui permirent, une fois mises en oeuvre, d’améliorer effectivement la santé.

Ailleurs, Romer explique avoir appris de l’observation des pratiques de son épouse, une chirurgienne ayant travaillé dans la recherche sur le cancer, que les médecins savent arbitrer entre l’attente d’un traitement dont les effets causaux seraient nettement identifiés, et les coûts de cette attente en terme de santé. Les économistes feraient bien de s’en inspirer, et cesser de placer leurs espoirs dans d’hypothétiques (et couteuses) expériences aléatoires, qui tiennent plus du botox que de la chirurgie. Il faut parfois accepter de mettre en œuvre des politiques économiques aux effets plus incertains, dont les retombées possibles en terme de bien-être sont très importantes, conclut-il.

L’histoire de l’utilisation de la référence aux sciences médicales par les économistes reste à écrire. Ces dernières décennies, elle fut popularisée par les promoteurs de l’expérimentation de terrain, comme Josh Angrist qui y voit l’outil d’une “révolution de la crédibilité” ou Esther Duflo. Mais celle-ci était largement absente des premières expérimentations sociales. Heather Ross, qui, doctorante au MIT dans les années 1960, a dirigé l’une des premières expérimentations économiques (sur l’impôt négatif), justifiait celle-ci sans référence à la médecine. Il était simplement nécessaire de mettre en place des pilotes avant de généraliser une politique sociale, expliquait-elle. Il est également intéressant de noter que les avocats de l’utilisation d’expériences de laboratoire en économie n’ont jamais utilisé cette comparaison. Mais il semble qu’on entre aujourd’hui dans une nouvelle phrase, qui laisse à penser qu’une medicine envy se substitue à la physics envy dont souffraient traditionnellement les économistes. Car la défense de l’analogie médicale ne se limite plus aux randomistas. Ni Cahuc ni Zylberberg ne pratiquent en effet les méthodes expérimentales qu’ils prêchent. Les deux économistes du travail ont construit leur réputation sur le développement de modèles de matching à la Mortensen et Pissarides. Au milieu du bruit et de la fureur générés par ces brulots, il est bien difficile de séparer la dimension épistémologique de l’analogie médicale de son utilisation rhétorique. Mais si je ne m’épuisais pas déjà à convaincre mes collègues économistes de lire leur histoire, j’aurais pu leur suggérer d’aller consulter l’histoire des essais cliniques en médecine, ainsi que les débats qu’ils suscitent encore.

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4 Comments

  1. Merci pour ce très bon papier. Sur le dernier point, un facteur décisif me semble la conception même des expérimentations et la place de l’expérimentateur. Les expérimentalistes de laboratoire n’ont pas conçu leur rôle d’observateur comme potentiellement biaisé, les outcomes étant à leurs yeux tout à fait objectifs : en conséquence ils n’ont pas appliqué l’idée de randomisation. Le fait que “control group” et “blind” ne soit jamais employé par Svorencik dans sa thèse est tout à fait frappant.
    Sur les deux sens d’analogie “médicale”, vous retrouvez l’opposition traditionnelle entre (nouvelle) clinique et épidémiologie, qui est au coeur des débats sur les modalités d’inclusion des meta-études et les méthodes de la Cochrane. Pour une critique plus radicale des RCTs médicaux, il vaut mieux se tourner vers les sciences sociales, par exemple http://hhs.sagepub.com/content/23/1/58.full.pdf

  2. Les attaques de Romer sont intéressantes. Je me souviens que Aghion était lui aussi critique des modèles RBC (je ne sais pas s’il accorde plus de considération aux modèles DSGE), si bien que la fusion entre théories des cycles et celles de la croissance à partir des modèles RBC qu’on apprend en cours de macroéconomie semble assez peu opératoire et chagriner ces deux économistes.
    Par contraste, Lucas, qui a un pied dans les deux “camps” portait un jugement mois sévère par rapport aux RBC (sauf pour la crise de 1929 mais là c’est le fantôme de Friedman et Schwartz qui le hante). Je ne sais pas si cette différence entre économistes a déjà fait l’objet d’investigations.
    Merci pour cette note de lecture stimulante.

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